Colloques et journées d’études

Le parfumeur : évolution d’une figure depuis la Renaissance

Colloque – 14-15 octobre 2021 – Auditorium du château de Versailles

En lien avec la collaboration scientifique réalisée entre le Centre de recherche du château de Versailles et Guerlain, dans le cadre de la thèse « Les parfumeurs privilégiés, fournisseurs de la cour de Versailles (XVIIe-XVIIIe siècles) » menée par Alice Camus.

Fruit d’un savoir-faire qui s’est constitué dès l’Antiquité, la parfumerie détient une histoire riche et complexe dont de nombreux aspects restent à explorer, car son historiographie est récente et encore peu développée (Reinarz, 2014). La voie de la recherche sur ce sujet a été ouverte dans les années 1980 par des études menées tout d’abord sur le corps, ses soins et sa parure, telles celles de Georges Vigarello (1985) sur l’évolution des pratiques d’hygiène ou celles de Philippe Perrot (1984) sur les artifices utilisés pour conformer le corps à une image fantasmée. Ces analyses des pratiques de toilette, des accessoires de la parure et des produits de luxe ont mené à l’étude de l’histoire de la parfumerie. Pionniers dans ce domaine, les travaux d’Annick Le Guérer (1988 et 2005) ont été augmentés et approfondis par les recherches de Catherine Lanoë (2008), d’Eugénie Briot (2015) et de Rosine Lheureux (2016), centrées sur l’Ancien Régime et le XIXe siècle français. Holly Dugan (2011) s’est intéressée à la parfumerie de la période moderne en Angleterre tandis qu’Anna Messinis (2017) a choisi d’envisager dans l’histoire longue la parfumerie vénitienne. Située à la croisée de plusieurs champs d’études, dont l’histoire du corps, des sciences, du luxe et des pratiques de consommation (Roche, 1989), l’histoire de la parfumerie a bénéficié des avancées de la recherche dans de nombreux domaines. Elle s’est nourrie, en particulier, des travaux consacrés à l’histoire des sensibilités olfactives (Corbin, 1982 ; Halliday, 1999) et à l’anthropologie historique des sens (Classen et Howes, 1994) qui ont permis de déterminer les conditions de l’épanouissement de la parfumerie.

À partir de ces recherches antérieures, l’objet du colloque est d’étudier l’histoire de la figure du parfumeur, en analysant comment elle est apparue dès la Renaissance en Italie et s’est construite à partir du XVIIe siècle en France et en Angleterre. Sous l’Ancien Régime, alors que le commerce, dans la plupart des pays d’Europe, était régulé par des corporations, l’affirmation de l’identité du parfumeur s’est souvent accompagnée d’une lutte menée sur le plan juridique pour s’ériger en seul détenteur du droit de fabrication et de vente des produits de parfumerie. Dès sa reconnaissance, ce métier a connu des métamorphoses dont il s’agira d’observer comment elles ont affecté chacune des trois opérations qui définissent le parfumeur à travers l’histoire : créer, fabriquer et vendre des parfums (Gobet et Le Gall, 2011). En effet, les parfumeurs ont dû s’adapter à l’évolution des pratiques et se distinguer de leurs concurrents en fabriquant et commercialisant à différents moments de leur histoire non seulement des eaux de senteur, mais aussi d’autres produits parfumés comme les gants, dont la création a été leur première vocation, puis des sachets, des cosmétiques, de la poudre pour les cheveux, des savons, voire, plus récemment, des bougies. L’évolution de l’usage des parfums, tantôt prophylactique, hygiénique ou hédonique a aussi affecté les parfumeurs qui se sont alliés à d’autres domaines d’activité, côtoyant de près apothicaires, coiffeurs, chimistes, puis artistes et grands couturiers. L’exigence de répondre à une demande croissante a également motivé la mise au point de nouveaux procédés et l’invention de nouvelles formules, transformant ainsi le travail du parfumeur.

L’industrialisation de la parfumerie au XIXe siècle marque un tournant majeur dans cette histoire, accélérant le rythme des innovations qui, telles l’extraction aux solvants volatils et l’apparition des matières premières de synthèse, ont révolutionné la parfumerie, transformant non seulement la pratique, mais aussi le statut social du parfumeur. Tout d’abord artisan, ce dernier pouvait devenir investisseur, voire notable (Briot, 2015). Le métier de parfumeur, exercé sous l’Ancien Régime dans le cadre d’établissements familiaux, s’est ensuite élargi à plus grande échelle, au XIXe siècle, dans des usines puis, aujourd’hui, dans les entreprises multinationales que nous connaissons. Ce métier s’est ainsi trouvé confronté à un accroissement des échelles de production conduisant à la fois à la multiplication des acteurs, notamment des ouvriers spécialisés puis des experts en marketing. L’essor, depuis les années 1990, de la parfumerie dite de niche, reposant sur une production très réduite et sur l’affirmation de la singularité du créateur, continue à faire évoluer l’histoire du parfumeur.

Ce colloque propose une approche pluridisciplinaire de l’histoire du parfumeur, de son métier, de son statut social et de ses représentations, à travers les interventions de spécialistes d’horizons divers : historiens, historiens de l’art, littéraires, philosophes, parfumeurs et acteurs du monde contemporain de la parfumerie. L’approche pluridisciplinaire apporte une vision détaillée et nuancée de manière à dessiner les contours de la figure du parfumeur aux différents moments de son évolution historique en s’appuyant sur un large éventail de sources historiques (documents professionnels, juridiques, inventaires, etc.), littéraires et artistiques. Ce colloque s’efforce également de saisir cet individu au cœur de son époque afin de mettre en lumière les liens entre l’exercice du métier de parfumeur et l’environnement socio-culturel de son temps.

Codirection scientifique :

  • Alice Camus, doctorante en histoire moderne à Sorbonne Université, attachée de recherche chez Guerlain, chercheur invité au Centre de recherche du château de Versailles.
  • Érika Wicky, Marie Sklodowska-Curie Fellow, université Lumière – Lyon 2 / LARHRA.

Comité scientifique :

  • Eugénie Briot (Givaudan), université Lumière – Lyon 2 / LARHRA,
  • Natacha Coquery, université Lumière – Lyon 2 / LARHRA,
  • Chantal Jaquet, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne,
  • Cheryl Kreger, University of Virginia
  • Catherine Lanoë, université d’Orléans
  • Rosine Lheureux, archives départementales du Val-de-Marne,
  • Jean-Alexandre Perras, Voltaire Foundation.
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