Journée d’études organisée par le Centre de recherche du château de Versailles et la Société Saint-Simon.
Les Mémoires de Saint-Simon – mais aussi ses autres grandes sommes comme ses Notes sur tous les duchés-pairies ou ses Additions au Journal de Dangeau – sont à bien des égards une mise en scène de la parole humaine. Non seulement Saint-Simon emprunte parfois leur récit à des témoins, non seulement bien des faits rapportés sont le fruit de récits faits par autrui, mais la parole est souvent au centre du récit, soit qu’elle constitue le pivot d’une anecdote, par son sel comique ou sa fonction de révélation, soit que la relation historique se fasse récit de conversation, soit encore qu’une parole contestée fasse l’objet du récit.
Au sein de cet usage de la parole, à la fois divers et unifié par la voix du mémorialiste, quel sort est fait à la parole individuelle ? De la parole du roi, concise et dilatoire (« Je verrai ») à la logorrhée inefficace d’un Noailles, peut-on dire que les personnages de Saint-Simon sont caractérisés par un parler ou une « parlure », comme le seront ceux de comédies humaines à venir ?
Les portraits ne manquent pas de signaler si tel ou tel est capable de dire ce qu’il veut comme il le veut : ce n’est pas le cas général et le lecteur des Mémoires est confronté à des cas surprenants d’aphasie, de bégaiement, de lapsus, d’actes (de langage) manqués, de ratures obsessionnelles, de mots d’esprit fulgurants parfois autodestructeurs, de dérapages non contrôlés (comme les insultes dont Villeroi accable soudain Dubois qu’il rencontre pour faire la paix avec lui) et autres débordements de langage.
Saint-Simon montre même une étonnante prédilection, en cette époque où la rhétorique semble régner sur les usages langagiers des élites, pour tout ce qui, dans le rapport des sujets à la parole, échappe au contrôle des premiers et les montre plus en proie au langage que maîtres du langage.
La journée d’études Saint-Simon 2019 aborde sous des angles disciplinaires divers ce thème des états de la parole chez les personnages saint-simoniens. Dans ses crises ou ses triomphes, à travers ce qu’elle révèle ou tait de l’individu qui la profère, dans ce qu’elle nous apprend aussi de l’art du mémorialiste, nous nous demanderons quel rôle joue la parole, et notamment la parole en panne, dans l’entreprise de résurrection du passé du duc de Saint-Simon. Il y a là matière à analyses littéraires, mais aussi plus purement linguistiques, philosophiques, ou encore psychanalytiques, dans ce que le rapport aux mots peut dire de celui qui tente – bien souvent à ses dépens – de les employer.
Direction scientifique : Marc Hersant et Delphine Mouquin.
Communications parues dans Les Cahiers Saint-Simon n°47.