Ouvrage publié avec le soutien financier du CRCV.
Poétique de Madame de Sévigné. L’invention d’une langue, Nicolas Garroté, Presses universitaires de France, février 2023, 336 p., 18€ (ISBN : 978-2-13-084689-5).
Dans la Recherche du temps perdu, Odette et Swann ne disent pas « faire l’amour » mais « faire catleya » : ils recourent à ce que Proust appelle une « langue moins générale, plus personnelle, plus secrète que la langue habituelle ». De même, dans ses lettres à sa fille, Mme de Sévigné invente une langue à part, un chiffre amoureux et secret qu’elle confectionne à partir de citations, de mots étrangers et d’expressions en tout genre.
Durant un quart de siècle (1671-1696), cette langue lui permit d’exprimer de manière spirituelle, authentique et profonde une passion hors du commun que la prose classique était inapte à dire.
Par ailleurs, tout en constituant la clef de voûte des Lettres, cette langue répondait, sans doute pour la première fois dans l’histoire, aux exigences fondamentales du genre épistolaire : celles d’être une « conversation entre absents » et un « miroir de l’âme ». Elle apparaît ainsi à la fois comme le ressort essentiel de l’œuvre et le couronnement du genre : comme le secret d’une poétique personnelle – celle de Mme de Sévigné – et la clef d’une poétique générique – celle de la lettre.
Agrégé de lettres modernes et docteur en littérature française, Nicolas Garroté enseigne la littérature des XVIIe et XVIIIe siècles à l’université Paris-Est Créteil. Il est spécialiste des Mémoires et des correspondances à l’âge classique.