Évènement faisant partie du corpus « Sources des fêtes et des cérémonies décorées par Charles Le Brun (1660-1687) » que Gaëlle Lafage, docteure en histoire de l’art, a rassemblé pour accompagner la publication de son ouvrage « Charles Le Brun décorateur de fêtes » (Presses universitaires de Rennes, 2015).
Au début de l’année 1687, le rétablissement du roi, après l’opération de la fistule, fut interprété comme un signe divin. Partout dans le royaume, les Villes, les institutions ou les corporations firent chanter des Te Deum en remerciement. Le Brun terminait alors le décor du salon de la Paix, achevant ainsi l’un de ses plus ambitieux chantiers, la Grande Galerie de Versailles et ses deux salons. Pourtant, le peintre était tombé en semi-disgrâce depuis la mort de Colbert, conservant l’affection du roi, mais ne recevant plus de nouvelles commandes de la part de Louvois, le nouveau surintendant des Bâtiments. Le peintre avait toutefois conservé ses titres et était devenu officiellement directeur de l’Académie royale de peinture. Ainsi, comme il l’avait fait quinze ans plus tôt lors de la mort de son protecteur, il ordonna une grande cérémonie à l’église de l’Oratoire pour célébrer la guérison du roi. Cette action de grâces est donc le dernier grand décor conçu par Le Brun pour Louis XIV. Le portrait du roi en protecteur des arts avait été accroché sur la tribune, rendant le roi présent. Il était entouré de la Providence divine et de quatre anges venus le protéger. En face, l’Église triomphant de l’Hérésie apparaissait sur des nuages rappelant la récente révocation de l’Édit de Nantes. Aidé de ses plus fidèles collaborateurs, Le Brun transforma la nef de l’église en galerie de peinture, célébrant « les conquestes chrétiennes du Roi ». Comme pour la pompe funèbre de Séguier, la cérémonie était payée et ordonnée par l’Académie de peinture, mais le Premier peintre avait largement participé au financement et à la réalisation. Tous les arts se trouvaient réunis pour célébrer le souverain.
Un petit livret contenant la description des tableaux et des inscriptions permet de connaître ce décor en détail. L’académie avait envisagé de réaliser un beau livre illustré commémorant cette fête, ainsi plusieurs dessins réalisés d’après les peintures, en vue d’être gravés, ont pu être retrouvés. Enfin, les archives de l’Académie, conservées à l’École des beaux-arts, complètent ces informations et nous permettent de nous faire une idée plus précise de cette fastueuse cérémonie.
Il semble que l’organisation de tels événements tant à l’Académie qu’aux Gobelins était surtout le fait de Le Brun et de l’équipe soudée qu’il avait réussi à réunir autour de lui, car après sa mort, aucune célébration ne semble avoir pris une telle ampleur dans ces deux institutions.
Sources figurées
BOULLOGNE Louis le Jeune, Missions dans les pays les plus éloignés, v. 1687, dessin à la pierre noire avec rehauts de blanc, Paris, Musée du Louvre, Département des Arts Graphiques, inv. 24948
JOUVENET Jean, Actions de grâces pour la guérison du roi, v. 1687, dessin à la pierre noire, Paris, École nationale des Beaux-Arts, Ms. 30
LE BRUN Charles (d’après), La Vérité et la Foy triomphant de l’Hérésie et l’Impiété, v. 1687, dessin à la pierre noire et au lavis gris, Paris, École nationale des Beaux-Arts, Ms. 30
LE BRUN Charles (d’après), La Religion sur des nuages, soutenant le portrait de Louis XIV, v. 1687, dessin à la pierre noire et au lavis gris, Paris, Musée du Louvre, département des Arts Graphiques, inv. 26032
LE BRUN Charles (d’après), La Providence divine entourée de quatre anges, v. 1687, dessin à la pierre noire et au lavis gris, Paris, Musée du Louvre, département des Arts Graphiques, inv. 26035
TESTELIN Henri, Portrait de Louis XIV protecteur des arts, 1668, huile sur toile, Versailles, Châteaux de Versailles et de Trianon, MV 6155
ANONYME, Almanach pour l’année 1688 : Louis le grand l’amour et les
délices de son peuple, 1688, estampe, Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie, coll. Hennin, 5616, ft 5
Vingt-quatre médailles de l’Histoire du Roi servirent de modèle pour ce décor. Nous donnons les références des médailles conservées à Paris à la Bibliothèque nationale de France au département des Monnaies, médailles et antiques.
A l’auteur de la sûreté publique, 1663, « ADSERTORI SECVRITAS PVBLICAE », Série Royale 616
Il bâtit après avoir donné la paix. Les édifices du roi, 1679, « PACE DATA ÆDIFICAT // ÆDIF. REGIA // 1679 », Série Royale 842
CHÉRON François, Bombardement de Gênes, 1684, « VIBRATA IN SVPERBOS FVLMINA // GENVA EMENDATA // ANN. M. DC. LXXXIV. », Série Royale 910
CHÉRON François, La Paix d’Alger, 1684, « CONFECTO BELLO PIRATICO // AFRICA SVPPLIX », Série Royale 907
CHÉRON François, Louis XIV, pacificateur du monde, 1679, « PACATORI ORBIS // M.D.C.L.XXIX. », Série Royale 839
DUFOUR Jean-Baptiste, La puissance du roi, 1672, « IN ROREM ET FVLMINA // 1672 », Série Royale 720
La fureur des duels abolis, 1661, « SINGVLARIVM CERTAMINVM FVRORE COERCITO // JVSTITIA // OPTIMI PRINCIPIS », Série Royale 597
La paix d’Aix-la-Chapelle. Il préfère la paix au triomphe. Le vœux de tous, 1668, « PACEM PRÆFERRE TRIVMPHIS // VOTA ORBIS // 1668 », Série Royale 692
Le bombardement d’Alger, 1682, « CIVES A PIRATIS RECVPERATI // ALGERIA FVLMINATA // M.DC.LXXXII », Série Royale 871
Le Bonheur des temps, 1663, « FELICITAS TEMPORVM // MDCLXIII », Série Royale 617-618
Le canal du midi, 1667, « EXPECTATA DIV POPVLIS COMMERCIA PANDIT // 1667 », Série Royale 661a
Le passage du Rhin, 1672, « RHENO BATAVISQVE VNA SVPERATIS // M. DC. LXXII. », Série Royale 710
Les constructions royales, 1676, « FERVET OPVS NEC BELLA MORANTVR // ÆDIF. REG. // 1676 », Série Royale 798 bis
MOLART Michel, C’est ainsi que l’on atteint les étoiles. L’observatoire de Paris, 1667, « SIC ITVR AD ASTRA // TVRRIS SIDERVM // SPECTVLATORIA // M DC LXVII », Série Royale 665 (voir aussi 664 en bronze)
MOLART Michel, L’abjuration des calvinistes, 1685, « OB VICIES CENTENA MILL CALVINIAN AD ECOLES REVOCATA // M. D. C. LXXXV. », Série Royale 913
MOLART Michel, La porte Saint-Antoine, 1670, « POVR LES CONQVESTES DE FLANDRE ET DE LA FRANCHE COMTE // M. DC. LXX. », Série Royale 706
MOLART Michel, La Religion triomphant de l’Hérésie, 1685, « HAERESIS EXTINCTA // EDICTVM OCTOBRIS // M. DC. LXXXV. », Série Royale 908
MOLART Michel, La Réduction de Strasbourg, 1681, « SACRA RESTITVA // ARGENTORAT RECEPT // M. DC. LXXXI. », Série Royale 869
MOLART Michel, Seconde conquête de la Franche-Comté, 1674, « DE SEQVANIS ITERVM // ADDITA IMPERIO GALLICO PROVINCIA // M. DC. LXXIV. », Série Royale 758
Naissance du duc d’Anjou, 1683, « AETERNITAS IMPERII GALL », Série Royale 880
Rétablissement de la Navigation, 1668, « NAVIGATIO INSTAVRATA // 1668 », Série Royale 677
[VARIN Jean], A celui qui juge la justice. La nouvelle ordonnance, 1667, « IVSTICIAS IVDICANTI // 1667 », Série Royale 670
[VARIN Jean], Il combat et anime les arts, Les édifices du roi, 1668 « PVGNAT ET EXCITAT ARTES // AEDIF. REG. // 1668 », Série Royale 683
Victoires sur les Impériaux et les troupes du duc de Lorraine, 1674, « FRANCORVM EXCERCITVS AD RHENVM TER VICTOR // REGI INVICTISSIMO // M. DC. LXXIV. », Série Royale 746
Sources manuscrites
Ms. 30 : Pièces relatives à la guérison de Louis XIV
Ms. 37 : Inventaire des tableaux appartenant à l’Académie royale de peinture et de sculpture fait et donné par messieurs les académiciens à leurs réceptions, ensemble de quelqu’uns faits aux frais de l’Académie et d’autres dont luy a esté fait présent, ledit inventaire fait et réduit en cet ordre par monsieur de Sève l’aisné adjoint recteur, monsieur Paillet professeur, tous deux en exercice et le secrétaire nommez à cet effet de la compagnie le sept novembre 1682 à la réquisition de monsieur de Beaubrun conseiller professeur et trésorier chargé de la garde desdits tableaux, ensuitte du recollement fait sur l’ancien inventaire le treize dudit mois et an, le tout en la présence de mondit sieur de Beaubrun.
Ms. 556, carton II : 1687, Comptes relatifs à la cérémonie
Sources imprimées
Description des tableaux et des autres ornemens dont l’Académie royale de peinture et de sculpture a décoré l’église des RR. PP. de l’Oratoire de la rue Saint-Honoré, où elle fait rendre grâces à Dieu pour la guérison du roi, Paris, N. Pepingué, [1687]
Gazette de France, février 1687, p. 110
Mercure Galant, février 1687, p. 299-304
NIVELON Claude, Vie de Charles Le Brun et description détaillée de ses ouvrages, éd. par Lorenzo Pericolo, Genève, Droz, 2004, p. 402-403
Procès-verbaux de l’Académie royale de peinture et de sculpture, 1648-1793, éd. par Anatole de Montaiglon, Paris, J. Baur, 1878, t. II, p. 344-348 ; 1880, t. III, p. 38
Comptes de l’Académie de Peinture et de Sculpture
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Livret de la cérémonie
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Récit du Mercure Galant
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Inventaire des tableaux de l’Académie
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Prédication du père Soanen
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